Affaire Barna-Taxawu Cayar, chronique d’une rude bataille d’opinion, qui a atterri devant le Juge des Référés

Le collectif Taxawu Cayar, qui lutte contre l’implantation à Cayar de l’usine de farine et d’huile de poisson depuis plusieurs années déjà, avait finalement porté plainte, avec l’accompagnement de Greenpeace Africa. C’est ainsi qu’une procédure a été ouverte devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Thiès et allant dans le sens de suspendre, les activités de la société Barna Sénégal devenue Touba Protéine Marine (TPM). Le tribunal vient de rendre sa décision, en déboutant le collectif, jugeant ses demandes mal fondées.

Les pourfendeurs de l’usine de farine et d’huile de poisson ont cependant décidé d’interjeter appel mais, selon Me Boubacar Cissé Avocat de Touba Marine Protéine (TPM), ils ont très peu de chance que leur demande aboutisse, car le dossier produit est extrêmement léger. « C’est facile d’accuser une entreprise de polluer l’air, la terre et la mer, sur la base d’une légèreté qui frise le ridicule. Mais le juge n’est pas tombé dans leur piège, malgré leur campagne médiatique de diabolisation » a-t-il souligné. Cependant, le collectif est loin de baisser les bras. Au contraire, il a décidé d’engager les prolongations à travers la définition prochaine d’un nouveau plan d’actions et selon Mor Mbengue coordonnateur du Collectif, le combat ne fait que commencer. Pour lui, tôt ou tard cette entreprise quittera un jour car il n’est pas question de cohabiter avec elle.

Au départ donc, c’était une féroce bataille d’opinion avec plusieurs marches des populations et des communications de l’entreprise, pour éclairer la lanterne de l’opinion. Mais l’affaire a abouti à la barre du tribunal. Il est entre autres reproché à TPM, de détruire l’environnement avec « l’odeur pestilentielle dégagée par les cheminées ». Ainsi pour le collectif, « l’usine a violé le droit de la communauté, à un environnement sain, en polluant l’air de la ville et sa source d’eau potable ». Il s’est basé sur les analyses faites par un laboratoire indépendant, après l’échantillonnage de l’eau, vérifié par un huissier. Et selon Greenpeace Africa, ces analyses ont révélé « des niveaux élevés de métaux toxiques dans l’eau du robinet, dont plus de trente fois le niveau de sélénium et quatre fois le niveau légal de chrome, selon le code juridique sénégalais NS-05-033, qui s’applique à l’eau potable ». 

Il s’y ajoute « des niveaux élevés de métaux toxiques dans l’eau du lac, dont près de quatre fois le niveau légal de sélénium et près de trois fois le niveau légal de chrome, selon le code juridique sénégalais NS-05-061, qui s’applique aux masses d’eau telles que les lacs ». Il y a également « de faibles niveaux d’oxygène dans l’eau du lac. Les résultats suggèrent que le lac Mbawane est pollué par des matières organiques biodégradables et que, par conséquent, le lac est mal oxygéné empêchant ainsi toute forme de vie aquatique. Il s’y ajoute que l’usine encouragerait également la surpêche et nourrirait une concurrence déloyale par rapport aux femmes transformatrices, qui constituent pourtant un maillon essentiel sur la chaîne des valeurs de la pêche artisanale.

A L’ORIGINE DU PROJET, UNE AMBITION DU DEFUNT DEPUTE MAIRE NDIASSE KÂ

A la naissance de ce projet, le défunt député Maire de Cayar Ndiassé Kâ, qui a cédé ses terres pour son implantation. C’est ainsi que, selon Babacar Diallo Directeur Général de TPM, toutes les procédures en vigueur ont été respectées. En ce qui concerne l’étude d’impact environnemental et social, il souligne qu’il y a eu « l’étape de la validation des Termes de référence (TDR) sur le site du projet par les services  de l’Environnement avec la participation de la DITP, l’étape  de la réunion du Comité technique à Thiès le 12 février 2018, réunissant tous les services techniques compétents de l’État y compris les autorités administratives et locales et l’étape de l’audience publique à Cayar le 14 mars 2018, au niveau du service des pêches. C’est à l’issue de ce processus que le projet a été approuvé et le certificat de conformité environnemental a été décerné ensuite par le Ministère de l’Environnement. Sur la base des orientations données par l’APIX, une demande d’autorisation de construire a été introduite au niveau du service régional de l’Urbanisme de Thiès. D’ailleurs une décision d’arrêt des travaux avait été prononcée par le Ministre des Pêches d’alors Oumar Guèye, mais dès qu’il a reçu les bonnes informations et sur la base des papiers administratifs que je lui avais présentés lors d’une audience, il a aussitôt levé la mesure de suspension par lettre en date du 1er février 2019 adressée au Gouverneur de la région de Thiès car toutes les craintes ayant été levées ».

Pour lui donc, il n’y a aucun impact négatif sur l’environnement, le cadre de vie et non seulement personne n’a encore prouvé le contraire et aucune autorité n’a dressé le constat attestant un quelconque désagrément dans ce sens. Balayant d’un revers de  main toutes les reproches, Babacar Diallo affirme que ce qui intéresse TPM sur la ressource, c’est les déchets de poisson, notamment les entrailles, les têtes, les queues, qui étaient jusqu’ici jetés à la plage ou en mer, ce qui a toujours constitué une menace environnementale, à cause surtout de l’odeur pestilentielle. Il ajoute, « les poissons nobles ou de consommation n’intéressent pas l’usine, pour la simple raison que c’est impossible de les utiliser dans le processus de transformation, car les coûts de production seraient extrêmement élevés.

Ce sont donc les déchets jusqu’ici jetés, qui sont recyclés, valorisés, pour en faire de la farine de poisson, destinée à la fabrication d’aliments de volaille et de bétail, mais aussi d’huile de poisson qui entre dans la fabrication de produits pharmaceutiques et cosmétiques. D’où l’absence totale d’une quelconque concurrence déloyale contre les acteurs de la pêche. Il s’y ajoute que l’usine paie des impôts, mais aussi crée des emplois. L’exploitation de l’usine a déjà offert 60 emplois directs avec contrat en bonne et due forme, pour des jeunes de la localité et 300 emplois indirects constitués de mareyeurs, de femmes transformatrices qui achètent la matière première sur la plage et qui d’ailleurs ne vient pas exclusivement de Cayar ». 

Mbaye SAMB L’AS