Anniversaire naufrage du Joola, les complaintes d’un ex fonctionnaire de la Police, qui a perdu ses 2 enfants

17 ans après, le naufrage du bateau le Joola, survenu dans la nuit du 25 au 26 septembre aux larges des côtes gambiennes, reste encore vivace dans la mémoire collective des Sénégalais. Il se trouve en effet que c’est la plus grande tragédie connue dans le pays avec ses 1853 morts et 64 rescapés, selon les chiffres officiels. D’autant que de l’avis de Cheikhna Kéita, 2ème vice-président de l’Association nationale des familles des victimes et par ailleurs coordonnateur de l’Association régionale de Thiès, qui a perdu ses deux enfants dans la naufrage, le nombre de morts dépasse les 2000. Ex-fonctionnaire de la Police Nationale, Cheikhna Kéita a perdu ses deux enfants, alors qu’il se trouvait en disponibilité en Italie.

Il a été affecté, raconte-t-il, dans le Sud du pays en 1974. Après un séjour d’un an à Tanaf puis à Médina Yoro Foula, il est muté à Ziguichor où il fait la connaissance de celle qui deviendra la mère de ses enfants.
L’ainé Ibrahima Keita et son jeune frère Djibril Keita ont péri dans le naufrage. Suite en effet à son affectation à Diourbel, les enfants l’ont rejoint dans la capitale du Baol. Mais, il décide que ces derniers restent finalement à Ziguinchor auprès de leur grand-mère pour poursuivre leurs études. Le jour du drame du Joola, Ibrahima qui venait de décrocher son Baccalauréat était en route pour Dakar en vue d’effectuer les formalités d’inscription à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar .

Il était accompagné de son jeune frère Djibril, menuisier ébéniste de profession qui venait voir sa mère à Thiès. A cette époque, le pater qui bénéficiait d’une indisponibilité se trouvait en Italie. Cheikhna Keita se rappelle encore avec amertume ce fameux 26 septembre 2002, lorsqu’il a reçu un coup de fils de son beau-frère, l’informant du drame. Serein face à cette décision divine malgré sa douleur, il se désole du fait que les corps de ses fils n’aient jamais été retrouvés. «Ils font partie des disparus. Ce que nous déplorons et que nous continuerons de déplorer, c’est l’injustice qui entoure cette affaire. On ne peut pas parler de naufrage, sans parler de justice. Mais dans cette affaire, jusqu’à présent justice n’est pas rendue aux familles des victimes», peste-t-il. Pourtant, dit-il, le procureur de la République s’était autosaisi au début de l’enquête, mais malheureusement il n’avait ciblé qu’un seul présumé coupable, en l’occurrence le Commandant du bateau.

De l’avis de Cheikhna Kéita, les familles des victimes veulent que cet accident soit élucidé et que les responsables soient sanctionnés à la hauteur des fautes commises. A l’en croire, la responsabilité du Général Babacar Gaye (Cemga à l’époque des faits) est aussi engagée, d’autant qu’il pouvait activer le navire français afin de sauver des vies, mais il ne l’a pas fait, préférant aller à Saint-Louis installer un Commandant de zone. Pour permettre aux familles de faire le deuil, Cheikhna Keita juge nécessaire de renflouer l’épave du bateau. Il a du mal à comprendre le manque de volonté des autorités, qui agissent comme si elles voulaient cacher quelque chose alors que l’Union Européenne (UE) est disposée à faire sortir le bateau. «Nous voulons que la vérité jaillisse et qu’on dise qui est responsable et qui ne l’est pas et que tout le monde puisse enfin comprendre ce qui s’est passé», clame-t-il avant de tenter une petite comparaison avec les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unis. Chaque 11septembre, indique-t-il, toute la République américaine se confond pour rendre hommage aux victimes des attaques terroristes des Tours jumelles de New-York et du Pentagone.

Mais avec le naufrage du Joola, personne ne sent la présence de la République du Sénégal alors que le nombre de victimes est supérieur à celui des attentats du 11 septembre. Aucune assistance n’est accordée aux familles, même pour organiser des séances de lecture du saint Coran à la mémoire des disparus. Pis, s’offusque-t-il, l’Etat n’a pas respecté les engagements qu’il avait pris. En atteste l’oubli dont font l’objet les orphelins après une prise en charge éphémère. Au même moment, les étudiants et ceux qui avaient 18 ans et plus, n’ont jamais été pris en compte. En plus de cela, la Fondation du Joola n’est pas encore à jour alors que les familles sont toujours étreintes de douleur.
Mbaye SAMB (l’AS)