Rappel à Dieu du Pr Sourang, le serviteur au parcours politique atypique, s’en est allé sur la pointe des pieds

Le Pr Moustapha Sourang s’en est allé sur la pointe des pieds et Thiès continue de pleurer l’un de ses fils, même s’il est né à Saint-Louis. La mort a été brutale, car l’Enseignant émérite et grand serviteur de l’Etat, au parcours politique atypique, a rendu l’âme dans la nuit du 3 au 4 août 2020, quelques minutes seulement après son évacuation à l’hôpital Principal de Dakar, des suites d’un malaise. Inhumé à Touba, Thiès se prépare à accueillir la cérémonie du 8 ème jour ce dimanche 9 août 2020 à Touba Thiès. Selon Mamadou Ndiaye Intendant du Lycée Malick Sy de Thiès et coordonnateur des activités du Pr Sourang à Thiès, il a eu un malaise vers 23 heures 35 minutes. Il était à ses yeux un homme d’une humilité jamais égalée et aucune tache ne peut être relevée dans sa trajectoire professionnelle et politique. Il a abattu un travail colossal dans le secteur de l’éducation, par ailleurs son milieu naturel, avec des milliers d’emplois offerts à la jeunesse.

Petit fils de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké fondateur du mouridisme, le Pr Moustapha Sourang est le fils de Sokhna Binetou Mbacké ibn Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké premier Khalif de Serigne Touba et de Massourg Sourang. Ce dernier a le mérite d’être le négociateur du titre foncier de la ville sainte de Touba avec les colons. Muni de sa Maîtrise en Droit Public décroché à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en 1974, il est allé poursuivre ses études en France, précisément à l’Université de Bordeaux. Il est revenu de l’Hexagone nanti de ses diplômes, en l’occurrence un DEA de Droit Public, un DES de Sciences Politiques et d’un Doctorat de Droit Public. Rentré au bercail après des études auréolées de succès, il est devenu Enseignant à l’Université de Dakar.

Il occupera ensuite le fauteuil de Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques avant d’hériter en 1998 du poste de Recteur de l’Université de Dakar. Et avec la survenue de la première alternance politique en 2000, il a été déniché en 2001 par Me Abdoulaye Wade Président de la République d’alors, qui fera de lui son Ministre de l’Education. Ainsi de 2001 à 2012, il sera successivement Ministre de l’Education, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et Ministre des Forces Armées dans le dernier gouvernement de Me Wade. L’entrée au gouvernement va ouvrir au Pr Sourang, les portes de l’arène politique à Thiès, histoire de rendre la monnaie au Chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade, en l’aidant à élargir les bases affectives de sa famille politique dans la capitale du Rail, tenue à l’époque de mains de maître par Idrissa Seck, alors tout puissant numéro 2 du Parti Démocratique Sénégalais (PDS).

Grand intellectuel, il est crédité d’un parcours atypique dans l’espace politique local. Il avait donc choisi sa base naturelle de Thiès pour se mouvoir et élargir les bases affectives autour de Me Wade dans la perspective des échéances électorales de 2007. D’ailleurs son engagement concret sur le terrain remonte aux élections législatives anticipées de 2001, au cours desquelles il avait établi ses quartiers généraux à Touba Thiès, apportant ainsi sa pierre à la victoire de la coalition présidentielle. Il s’est impliqué lors des élections locales de 2002. C’est Idrissa Seck, dans son ambition d’intégrer tous les cadres originaires de Thiès, qui l’avait fait investir dans la liste des conseillers municipaux de Thiès. Mais suite à la brouille entre l’ancien premier Ministre Idrissa Seck et son père spirituel Me Abdoulaye Wade, la donne a complètement changé.

La succession de Idrissa Seck ayant été ouverte, le Pds a enclenché le processus d’ouverture d’une autre nouvelle page de son histoire à Thiès, avec l’émergence de nouveaux leaders, qui engagent ainsi un combat de repositionnement sans précédent. C’est dans ce contexte qu’après plus de 2 ans sur le terrain, il a finalement fait sa première sortie publique le 31 juillet 2005 à Touba Thiès pour décliner sa feuille de route. Son seul objectif, disait-il, « était de mobiliser ses parents, ses amis et ses sympathisants pour accomplir le travail éminemment pédagogique, qui est d’accroître la surface sociopolitique de Me Wade ». Sur ses ambitions politiques au niveau local, il avait laissé entendre que son implication à Thiès ne répondait nullement à une logique de compétition dans un cadre d’ennemi ou d’adversité et qu’il n’était pas venu pour détrôner qui que ce soit. Depuis lors, il ne s’est jamais départi de ce principe même si la démarche n’a pas plu à certains libéraux, qui préfèrent la politique pure et dure, faite d’attaques et d’invectives. C’est d’ailleurs ce qui donne à son parcours une trajectoire atypique.

SIDATH GOUDIABY EX ADJOINT DETACHEMENT GMI A L’UCAD

« Dès sa prise de fonction, Sourang a largement ouvert les portes de l’UCAD »

Sidath Goudiaby ancien Brigadier Chef de la Police Nationale, ancien Adjoint du détachement du Groupement Mobile d’Intervention (GMI), positionné à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), pour accompagner, dans le cadre sécuritaire, les réformes universitaires d’alors, était un proche collaborateur du Pr Moustapha Sourang, alors qu’il était Recteur. Selon lui, le détachement du GMI a été déployé en octobre 1994, sous le magistère du Pr Souleymane Niang et il a contribué à la levée de l’interdiction de la tenue des assemblées générales d’étudiants dans les amphithéâtres.
Il était également chargé de recueillir les doléances des étudiants, pour les transmettre au Recteur, dans le cadre de la prévention des conflits. Selon lui, c’est dans cette dynamique que le Pr Moustapha Sourang est arrivé à la tête du Rectorat.

Il souligne que dès sa prise de fonction, Sourang a largement ouvert les portes, parvenant à faire cohabiter pacifiquement « chiens et chats », en l’occurrence, les étudiants et les policiers.

Il ajoute, « chaque matin, il me recevait le premier, pour voir comment l’Université a passé la nuit. Personne n’avait besoin d’une audience pour le rencontrer et toutes les doléances des étudiants lui étaient transmises sans aucune obstruction. Il a une capacité d’écoute jamais égalée. Il recevait les étudiants à n’importe quelle heure, même la nuit. Ce que je dis est l’exacte réalité et beaucoup de personnalités d’aujourd’hui, comme les Yankhoba Diattara, Alioune Sow, Déthié Diouf, qui étaient étudiants à l’époque peuvent en témoigner. Le Pr Moustapha Sourang était le papa de tous les étudiants et parfois, il se déplaçait en personne pour décanter les situations. Je me rappelle qu’un jour, les étudiants avaient tenu en otage le Directeur de l’INSEPS. Ce jour-là, il est allé personnellement parler aux étudiants, qui ont aussitôt cédé ». D’après lui, il était un négociateur d’une dimension exceptionnelle. Le Recteur Moustapha Sourang recevait ses talibés à n’importe quelle heure, au niveau de sa maison de fonction à l’université et avec son rappel à Dieu, c’est un éminent fonctionnaire, discret, infatigable, qui est ainsi parti à jamais.

Mbaye SAMB (L’AS)