Dr Mamadou Badara Seck: « La COVID-19 est sournoise, il y aura une 3ème vague, faire en sorte qu’elle soit moins meurtrière »

MAMADOU BADARA SECK DOCTEUR PHARMACIEN A THIES
« La COVID-19 est sournoise, il y aura une 3ème vague, faire en sorte qu’elle soit moins meurtrière »

L’évolution de la pandémie du coronavirus reste toujours sur une pente dangereuse au Sénégal. En effet, au-delà des cas graves et du nombre de décès qui ne cesse de s’accroître, le Pr Amadou Diarra Bèye Directeur SAMU National a relevé l’existence de pas moins de 300 cas sévères pris en charge dans les centres de traitement des épidémies (CTE). L’illustration en est d’ailleurs donnée par les résultats virologiques donnés par le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale et qui concernent chaque matin pas moins de 9 régions à la fois. Ces 10 derniers jours, le Sénégal a enregistré 2.105 nouvelles contaminations au coronavirus sur 17.618 tests réalisés, soit un taux de positivité de 11,94%. Et parmi ces cas positifs, 1.343 sont issus de la transmission communautaire soit les 63,80%, ce qui atteste que le virus circule activement dans le pays.

Selon Mamadou Badara Seck Docteur Pharmacien établi à Thiès, on fait face à une maladie sournoise, mais cette flambée des cas était prévisible. Il renseigne qu’il y aura une troisième vague et même d’autres, mais l’objectif est qu’elles soient moins meurtrières avec moins de décès. Pour lui, les européens qui ont plus de moyens, ont privilégié la vaccination. En ce qui concerne le Sénégal et les pays dépourvus de moyens, il convient d’isoler les personnes à haut risque, de laisser les autres en contact avec le virus, pour aller vers une immunité naturelle et c’est à ce prix seulement que cette spirale meurtrière sera endiguée.

Il ajoute, « le virus est saisonnier, il ne disparaîtra pas comme la grippe est toujours là, il va aussi continuer à sévir par mode épidémique. L’objectif devrait être maintenant d’aller vers une poussée épidémique entraînant une troisième vague moins meurtrière. C’est seule une immunité collective qui permettra d’atteindre cet objectif. C’est pourquoi, il convient de laisser les populations en contact avec le virus, après avoir isolé les personnes à haut risque. C’est à ce prix que nous irons vers une situation moins meurtrière. La grippe ne fait plus de dégâts chez nous, tout le contraire en Europe où elle tue encore et c’est à cause d’une immunité collective. C’est le virus qui nous rend malade et il est seul capable également de nous protéger et de nous guérir en nous dotant d’une immunité acquise, d’une immunité adaptative, seule capable d’endiguer cette tendance meurtrière. Le vaccin procure une immunité artificielle, mais aujourd’hui, étant entendu que les moyens d’aller vers une immunité vaccinale ne sont pas disponibles, il faut privilégier l’immunité naturelle ».

Pour Dr Mamadou Badara Seck, la situation actuelle ne doit pas entraîner une panique dans le pays. La meilleure stratégie de riposte est de poursuivre deux objectifs, notamment aller dans le sens de contenir le virus d’autant plus qu’on n’est pas encore suffisamment bien préparé pour faire face à une multitude de cas graves. A titre comparatif, la Côte d’Ivoire compte plus de cas COVID-19 que le Sénégal, mais avec 4 fois moins de décès. C’est parce que dès le début, la Côte d’Ivoire a mis en œuvre un plan de riposte sanitaire avec un objectif de 15 sites supplémentaires en plus de l’existant, avec 500 lits à même d’accueillir 3.500 cas graves, c’est pourquoi ces cas ont été correctement pris en charge.

Il poursuit, « je ne dis pas que ce n’est pas le cas au Sénégal, mais eu égard aux échos que nous avons et faisant état d’un manque de respirateurs, de matériels de réanimation dans certaines zones, il est clair qu’il y a quelque part des difficultés de prise en charge. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est d’aller rapidement vers un maillage national, qui permettra de tripler l’existant en matière de lits chauds. Pour l’aspect prévention, le Sénégal a une spécificité par rapport aux pays du nord où la population est vieille. Il nous faut un programme national de recensement et de dépistage des personnes à risque. Il s’agit des personnes vivant avec une co-morbidité dont la première est l’âge, qui diminue le système immunitaire. L’Etat devrait tout faire pour isoler les personnes à haut risque, quitte à le faire dans des hôtels, le temps que la propagation puisse ralentir ».

Il souligne qu’il y a une inquiétude au niveau institutionnel, au niveau des populations, c’est normal parce que le nombre de cas positifs, de décès et de cas graves augmente, mais c’est dans la logique des choses. Il note ensuite, « il n’y a pas lieu de s’inquiéter, ni d’aller vers des mesures davantage restrictives. Ayons une bonne politique de dépistage chez les personnes potentiellement à risque pour une meilleure prise en charge et isolons les personnes à haut risque et pour le reste de la population, il faut même encourager le contact avec le virus, pour aller vers une immunité collective ».

En ce qui concerne la prise en charge des malades, il a félicité le corps médical, mais non sans demander une évaluation de la procédure de prise en charge. « Je ne le souhaite pas, mais si jamais j’étais malade de la COVID-19 ou si j’avais un parent souffrant de cette maladie, j’aurais prescrit du paracétamol, de la vitamine C, du magnésium, un repos total et prendre beaucoup d’eau » dit-il. Et d’ajouter que c’est parce que le magnésium, trouvable en pharmacie et dans notre alimentation, renforce le système immunitaire.
Mbaye SAMB ( L’AS)