Idrissa Seck, l’ange incompris ( Par Pr Al Hassan Sonko)

Les choix politiques d’Idrissa Seck ont été souvent sévèrement critiqués et différemment appréciés par les uns et les autres. Mais le temps étant le meilleur juge, l’histoire a toujours fini par lui donner raison.

Au-devant de la scène politique et médiatique, depuis quelque temps, Idrissa Seck est devenu un phénomène d’aimantation collective. Ses moindres sorties et déclarations sont épiées par la presse nationale et internationale. La conférence de presse qu’il va animer, ce vendredi, dans sa ville natale, est très attendue par les Sénégalais.

La beauté de son discours plein d’enseignement, enrobé d’hyperbole, d’images métaphoriques, de litote, d’assonance et d’asyndète, ne laisse personne indifférente. Chaque mot qui sort de sa bouche a un retentissement immédiat dans notre époque pleine d’incertitude et de désillusions politiques. Même son silence si éloquent intrigue.

Jean Paul Sartre, auteur français du XXe siècle, ne disait-il pas à propos de l’engagement politique que : «Chaque parole a une conséquence. Chaque silence aussi ».

Toutefois, dans sa démarche, le président du parti Rewmi se présente comme un homme incompris. On lui a souvent reproché à tort ou à raison de commettre beaucoup d’erreurs au regard de ses choix politiques qui n’ont jamais fait l’unanimité même au sein de sa propre famille politique. Mais la vérité prenant l’escalier, le mensonge l’ascenseur, l’histoire finit toujours par donner raison à Idrissa Seck.   

Tout de même, il faut reconnaître qu’il n’a pas fait moins que Léopold Sédar Senghor, moins que Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Me Abdoulaye Wade, Macky Sall ou encore Thomas Sankara et tant d’autres figures emblématiques du continent, pour avoir largement contribué à faire de notre pays, un havre de paix et une vitrine de la démocratie en Afrique.

Modèle d’engagement achevé, Idrissa Seck s’est toujours mis au service de ses contemporains. Il n’est jamais resté insensible aux plaintes et complaintes de son époque. Dévalisant la bibliothèque du Président-poète Léopold Sédar Senghor, il dira comme lui : « Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple, mais d’être son rythme et son cœur.»

Entré en politique à l’âge de 15 ans, Seck s’est très tôt mis en situation pour défendre l’intérêt supérieur de la République au détriment de ses propres intérêts. Il a sacrifié sa jeunesse, son énergie et sa vie de famille pour le bien-être de chaque Sénégalais même si, incompris, il a souvent reçu des volées de bois vert.

C’est d’ailleurs ce qui justifie son entrisme dans le gouvernement du Président Macky Sall, conséquence de la situation tendue au sein du parti Rewmi. Quand bien même la barque Orange qui a tangué pendant quelques temps sous l’effet d’une petite brise passagère a pu tenir et traverser les intempéries maritimes.

Aujourd’hui, l’usure du temps a favorablement joué en faveur du président Idrissa Seck qui avait choisi de conjuguer ses forces à celles du Président de la République Macky Sall pour d’abord éviter de placer le Sénégal en situation de tension, le rendant vulnérable face aux attaques extérieures, ensuite diminuer l’impact de la COVID-19 dont la fin a vu naître une autre crise mondiale avec le conflit Russo-ukrénien.

Eminent journaliste à la Télévision Futurs médias (TFM), Charles Faye a témoigné, lors d’une émission Jaakarlo, que : «Idrissa Seck s’est toujours sacrifié pour le Sénégal. Il a tout le temps mis le pays au-dessus de sa personne pour préserver la paix, la sécurité et la stabilité de ses concitoyens. C’est ce qui fait sa maturité d’homme d’Etat. »

Sa consœur Maty 3 Pommes, journaliste indépendante de renom établie en Europe, n’a pas manqué aussi de saluer le sens élevé du patriotisme de l’ancien maire de Thiès qui a préféré apporter son savoir-faire au Président de la République pour faire face, ensemble, à la crise sanitaire mondiale qui a mis à genoux toutes les économies.

Quant au brillant journaliste-chroniqueur Pa Assane Seck, il dira sans ambages qu’ : «Idrissa Seck a eu raison sur tout le monde. L’expérience a parlé.»

La liste des témoignages sur Idrissa Seck est loin d’être exhaustive. Ils peuvent se multiplier à une échelle exponentielle.

L’actuel président du Conseil économique social et environnemental (CESE) n’a pas voulu être dans la posture de l’opposant radical qui est de mettre de l’huile dans le brasier, attendre la chute du régime en place et ramasser le pouvoir dans la rue.

Idrissa Seck a d’ailleurs administré une belle leçon d’humilité aux hommes politiques de tout bord en montrant qu’il n’est pas cet assoiffé de pouvoir lâche qui profite de la misère de ses concitoyens pour marcher sur la République et déstabiliser le pays.

Il n’est pas non plus cet aventurier politique irresponsable qui envoie les enfants d’autrui mourir dans la rue, piller, voler et incendier des commerces et des biens publics.

Il a choisi d’être dans le camp des bons en œuvrant pour la paix, la sécurité et la stabilité, des conditions nécessaires pour l’exercice de toute activité humaine.

On peut dire que Idrissa Seck a sauvé le Sénégal qui aurait pu rejoindre le Mali, le Burkina Faso, la Guinée dans l’instabilité, le terrorisme et le Djihadisme.

Au centre des événements de son époque, Seck a toujours pris date avec l’histoire.

Un homme respectueux des institutions religieuses

Au lendemain du 19 mars 2000 consacrant la première alternance politique au Sénégal, le Président de la République s’appelle Abdoulaye Wade. Mais Idrissa Seck était tout aussi puissant et courtisé. Il était l’un des rares lieutenants à accéder au pouvoir avec le Pape du Sopi qui a la « bonne » réputation de « manger ses fils » au fur et à mesure de sa longue marche politique.

Secrétaire général adjoint du parti démocratique Sénégalais (Pds), Directeur de cabinet-ministre d’Etat du Président Wade puis Premier ministre, Idrissa Seck fut le plus proche collaborateur de Wade qui l’avait accusé d’atteinte à la sureté de l’Etat et de détournement de deniers publics dans les chantiers de Thiès avant de l’emprisonner six mois durant. Idy séjournera dans le gouvernement de Wade comme un éclair de midi.

La poitrine assez dilatée, il n’en voulut pas à Me Wade qui lui a fait subir toutes sortes de souffrance. Quand ce dernier a souhaité renouer le dialogue avec son fils d’emprunt malgré l’immense tort et le préjudice moral qu’il lui a causé, Wade s’en est ouvert aux guides religieux, ciment de la cohésion sociale au Sénégal.

Très respectueux de nos institutions religieuses, Idrissa Seck avait favorablement suivi les conseils de Serigne Saliou Mbacké et Mouhamadou Mansour Sy, respectivement défunts khalifes généraux des Mourides et des Tidianes, en répondant à la main implorante et suppliante de l’ancien Président Me Abdoulaye Wade pour la stabilité de la République.

A la veille de la campagne électorale pour la Présidentielle du 25 février 2007, Idrissa Seck rencontre Wade au Palais. Tout le monde crie au complot et à la réconciliation. Pourtant, Seck, adulé par une jeunesse très révoltée, tenait le bon bout face à un régime chancelant sur le fil du rasoir. En allant répondre à Me Wade, il l’avait payé très cher lors de la Présidentielle de 2007.  Comme avec Macky Sall, Idrissa Seck ne regrette rien. Le Sénégal, Serigne Saliou Mbacké et Mouhamadou Mansour Sy en valaient la chandelle.

Il faudra chercher la réponse du respect de Seck à nos coutumes et traditions dans sa prime enfance. Issu d’une famille réputée  pieuse et attachée aux préceptes de l’Islam, Idrissa Seck, à bas âge, a fait montre d’une belle ouverture d’esprit à l’apprentissage et à la maîtrise du Coran. L’assimilation des dogmes religieux ont beaucoup façonné et escorté son existence. Aussi voue-t-il un respect absolu à nos guides religieux et coutumiers.

C’est ce qu’a d’ailleurs compris Serigne Mbaye Sy Mansour, khalife général des Tidianes, qui, en ces mots, lui a confié : «Idrissa ! Vous avez une très grande responsabilité pour œuvrer à la cohésion nationale. Une paix durable ne peut se construire dans notre pays sans votre apport».

En vérité, Seck est peint comme un artisan de la paix, un apôtre de la non violence. Il tient ce caractère de son éducation de base. Dans son quartier natal dans la cité du rail, il passait pour un adolescent tranquille. Il n’aimait pas les jeux violents ou inspirés du cinéma. L’attachement qu’il porte à la nature humaine est aussi infini qu’il y a d’étoiles dans le ciel.

Aujourd’hui, perché sur ses 63 berges, il a déjà montré la voie à la classe politique Sénégalaise pour une Présidentielle apaisée en 2024. Pour sa part, il ne compte pas marcher sur des cadavres pour accéder au pouvoir. D’ailleurs, proche collaborateur de l’ancien Président du Sénégal Me Abdoulaye Wade, Idrissa Seck n’a jamais été cité ni mêlé dans l’affaire de l’assassinat du juge Babacar Sèye en 1993 même si ce dossier judiciaire a valu la prison à plusieurs libéraux.

Idy ne se fait pas de remord puisqu’il ne porte aucun mort dans la conscience malgré qu’il affiche au compteur plus de 40 ans de luttes politiques.

C’est pourquoi à l’issue de la proclamation des résultats de la Présidentielle de 2019 où il est sorti deuxième, il a systématiquement refusé d’entraîner la jeunesse dans les rues pour contester le verdict des urnes.

Les avis sont unanimes sur Idrissa Seck aussi bien pour la classe politique que pour la société civile ainsi que pour les guides religieux. L’ancien Premier ministre a la réputation d’être un homme calme qui se donne sans calcul pour la stabilité et le rayonnement du Sénégal.

Ses récentes sorties médiatiques lui ont permis de lever un coin du voile sur ses choix politiques et les Sénégalais ont fini par comprendre que ses options n’ont jamais été fortuites.

En course pour la Présidentielle de 2024, il sait que la tâche qui l’attend ne sera pas facile. Toutefois, il a conscience de ses prédispositions et ne se fait pas d’illusion pour devenir le Premier des Sénégalais.

Pr Al Hassan SONKO