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Les adolescents en première ligne de la violence dans les stades (par Babacar Diakhaté Psychologue-conseiller)

Les adolescents en première ligne de la violence dans les stades : profilage d’un nouvel agent pathogène en état de sédimentation

L’optique première des activités sportives et culturelles est de fédérer les acteurs autour d’un idéal de paix, d’harmonie et de vivre ensemble. Depuis quelques années, les stades ont commencé à devenir le théâtre d’expression d’une violence jusque-là insoupçonnée car provenant d’une catégorie qu’on attendait pas : les adolescents. Avec ces derniers, les mouvements Navétanes, les arènes de lutte vivent au rythme d’une nouvelle forme de violence froide, brutale, souvent inexplicable.Mais qui sont ces jeunes qui transforment les terrains de sport en champ de bataille ? Que cherchent-ils ? Pourquoi la violence devient-elle leur langage ? On ne peut plus faire semblant de ne pas voir. Il est temps d’écouter, de comprendre, de regarder ce qui se joue, au-delà des cris. Quand le stade devient refuge et ringIl suffit de discuter un peu avec ces jeunes. Certains trainent autour des terrains sans vraiment jouer. D’autres viennent en bande, en scooters ou à pied, l’air dur, les yeux méfiants. Ils sont là mais ils ne regardent pas vraiment le match ou le combat. Ils attendent…. un mot, un geste, un prétexte.« On ne nous respecte pas. Nous on montre qu’on est là », lamente Abdoulaye, 16 ans, casquette vissée sur la tête, qui a été impliqué dans une bagarre, à la sortie d’un match de Navétanes.Dans leurs propos, on entend la colère sourde d’une jeunesse mise de côté. Beaucoup ne vont plus à l’école, d’autres n’ont pas de travail, ni d’horizon clair. À la maison, l’ambiance est tendue. Dans le quartier, il faut se faire respecter. Et le sport, qui devait être une échappatoire, devient parfois le théâtre de leur malaise.Quand les adultes désertent, les enfants improvisent des règles. Un enfant, on l’occupe, sinon il s’occupe. Dit-on !Autrefois, les ASC (Associations Sportives et Culturelles) étaient des espaces d’éducation, de formation. Il y avait des entraineurs respectés, des grands frères, des parrains. Ces organisations géraient de façon temporaire une partie de la socialisation des enfants, car constituant le prolongement systématique de la cellule sociale de base : la famille.Aujourd’hui, tout va vite. Le sport est devenu une affaire de prestige local, de rivalité exacerbée, parfois même de politique. Rappelons que le sport n’est pas un microcosme coupé de la réalité sociale. Il constitue un appareil important dans le fonctionnement de l’organisme social. Et les jeunes ? Ils prennent la place laissée vide.Pas de médiateurs, peu d’adultes responsables, en capacité de poser des limites. Résultat : les adolescents s’auto-organisent. Ils créent leurs groupes, leurs alliances, leurs règles. L’insulte remplace la stratégie ; le clan remplace l’équipe. La violence devient un rite de passage, une preuve de loyauté. Dans la rue, dans les réseaux, et dans leur têteLe phénomène va au-delà des stades. Il faut regarder ce qui se passe dans la rue, mais aussi dans les téléphones. Les vidéos de bagarres sont filmées, montées et partagées. On y voit des adolescents comme enragés, criant, frappant, riant parfois. Et ces images circulent, alimentent l’égo, nourrissent la légende.« Tu l’as vu ? C’est lui qui a lancé la pierre au policier ! » « Le petit de Harcos, il a cassé la barrière tout seul ! »C’est la culture de la notoriété rapide, où la violence est une scène où chaque rixe devient un épisode de série. Ils ne cherchent pas seulement à exister : ils veulent impressionner, prouver qu’ils comptent, même par le chaos.Ils ne sont pas des monstres. Ils sont des signaux d’alarme.Il serait facile de les pointer du doigt. De parler de délinquance, de décadence. Mais ce serait une erreur. Ces jeunes ne sont pas le problème ; ils sont le symptôme.Symptôme d’un pays où l’école ne représente plus cet appareil d’ascension sociale, mais plutôt une usine de « fabrique de crétins » pour reprendre le cri lucide de Brighelli.Symptôme d’une société où le rêve de réussite est flou débouchant à la création d’une génération à moindre effort (GAME bi)Symptôme d’un monde adulte qui n’offre plus de transmission. Les courroies de transmissions intergénérationnelles sont défectueuses, les pièces de rechanges introuvables et les bagues de recyclage étourdies.Et pourtant, Platon nous alertait depuis sa République en annonçant que « lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant les élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien, ni de personne ; alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie »Ils ne demandent pas l’impunité. Ils réclament de l’attention, du sens, de la présence et une place.Et maintenant, que fait-on ?Il ne suffit plus d’interdire les matchs, les combats de lutte ou d’envoyer les forces de l’ordre. Ce serait comme colmater une brèche avec du sable. La réponse doit être humaine, locale, patiente et collective. En ce sens, il faut :Réhabiliter les ASC, avec des encadreur formés, des éducateurs pointus…Impliquer les écoles, les leaders communautaires et les familles dans une logique de coéducationCréer des espaces d’écoute pour les adolescents et jeunes, où ils peuvent dire, sans jugement, ce qu’ils traversent.Réintroduire du jeu, de la créativité, de la fête dans le sport. Faire des mouvements Navétanes des espaces de production et de reproduction des valeurs citoyennes utiles Valoriser la dimension culturelle dans les activités en tenant compte des possibilités de renforcement de compétences dans plusieurs secteurs.Écoutons les avant qu’ils ne nous crient dessus !

Babacar DIAKHATE Psychologue-conseiller Sociologue

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