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Politique/L’entretien vérité avec Saër Mangane responsable Rewmi à Thiès-Est

Le parti Rewmi et son leader, Idrissa Seck, sont restés relativement silencieux sur plusieurs questions d’actualité. Comment expliquez-vous cette posture ?

Je comprends parfaitement qu’en ces temps difficiles, les Sénégalais souhaitent entendre la voix d’un homme d’expérience, rompu à la gestion de la chose publique comme le président Idrissa Seck, afin d’avoir plus de lisibilité sur la situation économique du pays. Son engagement pour le Sénégal est intact, et je suis convaincu qu’il ne restera pas longtemps silencieux.

Cependant, il faut rappeler une chose essentielle : Idrissa Seck n’a jamais été un homme politique bavard. Il est le maître du tempo de sa communication. Il parle quand il estime que le moment est opportun et se limite à l’essentiel. C’est pourquoi j’ai coutume de dire qu’avoir comme leader politique Idrissa Seck ou Ousmane Sonko n’est pas chose aisée pour les militants.

Le premier s’exprime avec parcimonie, laissant parfois aux militants le soin de combler le silence. Le second parle beaucoup, parfois plus que nécessaire, obligeant ses partisans à assurer un service après-vente permanent pour corriger ou expliquer certaines sorties.

Cela dit, l’instrument politique d’Idrissa Seck, le parti Rewmi, reste très actif au sein du Front pour la Défense de la République (FDR) et dans la remobilisation de ses bases à travers les départements et communes sous son contrôle. Le moment choisi par le président Idrissa Seck viendra, et il s’exprimera sur la situation du pays.

L’opposition sénégalaise semble spectatrice de la crise au sommet de l’État. N’est-elle pas en train de perdre du terrain face à une mouvance présidentielle qui donne l’impression de vouloir être sa propre opposition ?

Lorsqu’un président de la République vient d’être élu, il faut un temps d’observation pour analyser la nouvelle configuration politique. L’opposition doit certes jouer son rôle démocratique de veille et d’alerte, mais sans tomber dans une obstruction systématique, par respect pour le verdict du peuple souverain.

Cela dit, il faut reconnaître que le régime actuel s’est, dès ses débuts, fragilisé lui-même par ses contradictions internes. Leur recul lors des dernières élections législatives en est une illustration parfaite.

Par ailleurs, l’opposition n’est pas inactive. Des initiatives existent, notamment à travers le FDR. Toutefois, la dualité au sommet de l’État tend à inhiber l’action de l’opposition.

C’est pourquoi il est urgent que l’opposition se réinvente : plus structurée, plus cohérente, avec un projet clair, capable d’incarner une alternative crédible aux yeux des Sénégalais. Elle doit cesser d’être dans le commentaire permanent des faits et gestes d’Ousmane Sonko. Ce rôle est déjà très bien assuré par les chroniqueurs. L’opposition doit imposer un débat technique, car c’est là que réside le talon d’Achille de ce régime.

Serez-vous de nouveau intéressé par la mairie de Thiès-Est après 2022 ?

Cette question revient à s’interroger sur la constance de mon engagement politique envers ma communauté, ma commune de Thiès-Est, la ville de Thiès et le Sénégal. La réponse est clairement oui. Mon engagement est intact, vif et permanent.

J’ai d’ailleurs reçu un encouragement fort des populations lors des élections locales de 2022, où la liste que je dirigeais est arrivée deuxième. Toutefois, je reste avant tout un militant discipliné. Je demeure à l’écoute de mon parti et des orientations de son leader.

Avec l’avènement de Pastef, n’est-ce pas le moment pour des retrouvailles de la famille libérale ?

C’est un phénomène mondial : s’unir ou disparaître. L’heure est aux grands ensembles. Le contexte politique national rend l’union indispensable pour l’opposition. Le président Idrissa Seck a toujours prôné les retrouvailles de la famille libérale.

Il faut bannir les orgueils politiques et dépasser les querelles du passé. Le Sénégal a besoin de tous ses fils. La famille libérale peut constituer une véritable locomotive pour les futurs succès politiques de l’opposition. Je suis convaincu que les Sénégalais sanctionneront positivement une telle union, car notre peuple est reconnaissant.

Les plus grandes réalisations infrastructurelles et les avancées majeures de ce pays ont été portées par les libéraux.

Comment appréciez-vous la situation économique actuelle du pays ?

Dire que la situation socio-économique est alarmante relève presque de l’euphémisme. Nous faisons face à un déficit budgétaire croissant, que le régime tente de réduire par une imposition excessive et un endettement débridé. Tout cela pèse lourdement sur le dos du gorgorlou sénégalais.

À ce tableau peu reluisant s’ajoutent des déclarations à caractère électoraliste du Premier ministre, qui ont contribué à éloigner nos partenaires financiers et techniques, notamment le FMI.

La baisse des prix des hydrocarbures n’est-elle pas une mesure à saluer ?

Nous encourageons toute mesure allant dans le sens de la baisse des hydrocarbures, car leur coût impacte fortement l’économie : production, transport, prix des biens de consommation.

Cependant, il faut dire la vérité : cette baisse n’est pas le fruit de mesures internes, mais d’une chute drastique du prix du baril sur le marché international, passé d’environ 77 dollars à 60 dollars, du fait de la surproduction de l’OPEP et d’autres pays producteurs.

La vraie question est : pourquoi le régime a-t-il attendu aussi longtemps pour concéder une baisse ? Et pourquoi des baisses aussi insignifiantes, qui profitent surtout aux commerçants ?

À quoi sert une baisse si le pouvoir d’achat des Sénégalais continue de s’éroder ? Pourquoi le super reste-t-il l’un des plus chers de l’espace UEMOA alors que nous produisons du pétrole et du gaz ?

La tension autour des bourses universitaires traduit-elle une crise plus profonde ?

Absolument. Cette crise est le symptôme d’un malaise social généralisé. On le voit à travers les préavis de grève des centrales syndicales, les marches répétées, et le sentiment de rupture d’égalité devant la justice.

C’est comme si le peuple disait au régime : « Vous nous avez abreuvés de paroles, maintenant posez des actes. »

Une réforme globale du système éducatif est indispensable. Il doit être plus proche de nos réalités et davantage orienté vers la qualification, afin de valoriser le capital humain et désengorger les universités.

L’État doit respecter ses engagements envers les étudiants. À mon sens, le développement passe d’abord par un enseignant bien traité et correctement encadré.

Comment sortir de l’endettement sans recourir à des levées de fonds répétées ?

Il faut cesser d’agiter la question de la « dette cachée » comme un épouvantail politique. Le régime lui-même reconnaît que la dette reste soutenable. L’essentiel est de restaurer la confiance du FMI.

Cela nécessite du temps, de l’intelligence économique et une véritable cohésion gouvernementale. Il faut élargir l’assiette fiscale, traquer les niches, réduire le train de vie de l’État, sans tomber dans une austérité brutale.

À défaut, la chute de la commande publique risque d’aggraver le ratio dette/PIB. Un arbitrage minutieux des dépenses est indispensable.

Que pensez-vous de la tournée économique annoncée par le président ?

Aller au contact du peuple est toujours une bonne chose. Mais cette tournée intervient dans un contexte très particulier, marqué par une dualité au sommet de l’État.

Deux scénarios sont possibles.

Si le président est bien accueilli partout, cela signifiera implicitement qu’il bénéficie encore de l’onction politique d’Ousmane Sonko. Ce serait alors l’aveu d’une dislocation du rôle présidentiel.

Si, au contraire, la tournée est perturbée, cela pourrait sonner le glas de leur relation.

À mon avis, le président aurait intérêt à différer cette tournée, le temps que les nuages politiques se dissipent.

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