Niché dans la commune de Taïba Ndiaye, département de Tivaouane, le Parc Eolien de Taïba Ndiaye (PETN), est une unité de production d’énergie éolienne d’une capacité totale de 151,8MW. Dans le cadre de sa politique environnementale et sociale, il a choisi de changer de paradigme, en mettant en œuvre une approche de développement des chaînes de valeurs agricoles de la commune de Taiba Ndiaye. Cette démarche prend de l’ampleur dans la commune, au moment où dans le pays, des milliers de jeunes se ruaient vers les les Bureaux d’Accueil, d’Orientation et de Suivi (BAOS), dans l’espoir d’être enrôlé, pour aller travailler dans les champs espagnols.
Il s’agit donc d’une alternative développée dans la commune, pour inciter les jeunes à rester dans le terroir et réduire ainsi les départs à des proportions suffisamment négligeables. Selon Amadou Oumar Sow Responsable RSE, ce projet vise à contribuer de manière significative au développement socio-économique de la municipalité de Taiba Ndiaye, à travers l’exploitation du potentiel productif des terres.
« L’approche du projet, centrée sur les sociétés de coopératives agricoles, appuie la structuration des chaines de valeurs agricoles dans la commune. A travers cette approche globale et holistique ,en parfaite adéquation avec les orientations des nouveaux gouvernants en matière de politique agricole( la promotion des sociétés coopératives), le Parc entend intervenir sur tous les maillons des chaînes de valeur ciblées (horticulture et grande culture), de la production à la commercialisation, en passant par le stockage et la transformation » a-t-il fait savoir.
Le projet phare de développement des chaînes de valeur agricoles est bâti sur une charpente organisationnelle, soutenue par 5 pôles agricoles qui ont été installés. Et chaque pôle épouse des contours spécifiques. Il s’agit de la zone centre, la zone des Niayes, la zone industrielle, celle des 5 villages et la zone des 8 villages. Depuis sa mise en oeuvre, plusieurs résultats non négligeables ont été réalisés. Il est articulé autour de deux composantes, à savoir aménagement des infrastructures d’irrigation et appui au développement des chaînes de valeur agricoles. De grands efforts ont été consentis par la Parc, pour créer les conditions d’une maîtrise de l’eau, par les bénéficiaires. C’est ainsi que, pas moins de 46 exploitations agricoles ont l’objet d’une modernisation, grâce aux dotations du PARC en équipements d’exhaure (mini forage, matériels goutte à goutte, entre autres), ce qui commence à porter ses fruits. Compte tenu du nombre important d’adhérents dans chaque coopérative, une approche d’intervention directe ne saurait être efficient en ce qui concerne le renforcement de capacités des exploitants agricoles dans le cadre du projet.
C’est pourquoi le Parc a mis en place un mécanisme d’accompagnement des producteurs, porté par des mentors. Pour inscrire la cible dans une logique entrepreneuriale, les cibles ont été formées, pour « faciliter l’amélioration de leurs compétences techniques, le renforcement des compétences en gestion et en entrepreneuriat, l’adoption des innovations technologiques agricoles, le renforcement des relations dans les chaînes de valeur, la promotion de la durabilité et de la résilience, la Création d’opportunités économiques inclusives ainsi que la facilitation de l’accès aux marchés.
S’agissant de l’accès des exploitants agricoles aux intrants de qualité, une subvention de 52 000 000 FCFA a été mobilisée en semences et engrais pour les 5 coopératives encadrées. Par cette subvention, le Parc cherche à doter aux coopératives, un fonds de roulement pour in fine les positionner comme des fournisseurs de services agricoles à leurs membres. Parallèlement au système de subvention, il travaille à mettre en relation les bénéficiaires aux fournisseurs d’intrants de production de qualité. Cette mise en relation s’étend aussi aux institutions financières, aux fournisseurs d’équipements agricoles, etc. »
L’OBSTACLE DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS.
Devant l’opportunité de prise en charge de ces problématiques par l’agriculture, se dresse cependant l’obstacle de la commercialisation, après le défi de la production est relevé. Pour Ndiaga Lo Producteur à Baïty Ndiaye, le développement de l’agriculture peut être une réponse définitive aux deux exigences qui se posent à l’Etat, en l’occurrence la prise en charge de l’emploi des jeunes et de l’atteinte de la souveraineté alimentaire. Pour lui, aucun pays ne peut asseoir une véritable indépendance politique et économique, sans avoir accompli ces deux exigences. Il souligne que les récentes images de milliers de jeunes qui se ruaient vers les bureaux d’inscription pour l’Espagne, en donnent une parfaite illustration. Et paradoxalement, ils se bousculent pour aller en Espagne travailler dans les champs, alors que notre pays a des terres, qui s’étendent à perte de vue, et qui ne sont pas exploitées. D’après lui, ces questions de l’emploi des jeunes et de la souveraineté alimentaire, peuvent bel et bien être réglées par l’agriculture, mais faudrait-il que l’État joue pleinement sa partition. Il est d’avis que la prise en charge des obstacles qui plombent le développement agricole est incontestablement de nature à faire d’une pierre deux coups, en réglant à la fois la question de l’emploi et la souveraineté alimentaire.
« La terre, le soleil et l’eau, qui sont des intrants stratégiques, existent déjà, il ne reste que la volonté de l’État et une meilleure organisation du secteur » a-t-il indiqué. Il ajoute que le Parc Eolien de Taiba Ndiaye est déjà dans cette trajectoire, à travers une approche de développement des chaînes de valeur agricoles, qui constitue une révolution en matière de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE). C’est à travers la mise à disposition de points d’eau pour faciliter l’accès du liquide précieux aux producteurs.
Il s’y ajoute la dotation de semences et si toutes les autres entreprises installées étaient dans cette même logique, toutes ces questions seraient résolues dans le pays. Il a exprimé la conviction, qu’il reste à l’état d’apporter sa touche, à travers un accompagnement dans la commercialisation, la conservation, et la transformation, qui sont actuellement des obstacles à lever. Sans la prise en compte de ces trois dimensions, il note que les efforts consentis risquent d’être vains. Il en veut pour preuve le fait qu’aujourd’hui, avec l’accompagnement du Parc Eolien de Taiba Ndiaye, toutes les promesses de production ont porté tous les fruits escomptés, mais malheureusement les prix ont drastiquement chuté sur le marché. C’est ainsi que certains producteurs s’inscrivent de plus en plus dans la perspective d’abandonner la récolte.
La production est le plus grand défi, mais si après coup l’agriculteur est confronté à la commercialisation, il va se retrouver dans une situation économique encore plus critique. C’est dire à ses yeux, que si le secteur est bien pris en charge, aucun jeune ne songerait plus à mettre en péril son avenir, en acceptant un contrat de travail de courte durée en Espagne et ensuite revenir au bercail pour repartir à zéro.
LE SAC DE PLUS DE 60 KG DE CHOUX BAZARDE A 1.500 FCFA
Modou Loum de Taiba Santhie, rapatrié d’Espagne après une tentative avortée d’émigration, a une disponibilité de 6 hectares mais seulement les deux sont exploités, avec l’accompagnement du Parc Eolien de Taiba Ndiaye. Il martèle que la production est au maximum, mais la commercialisation pose problème, avec des prix qui sont au plus bas niveau sur le marché. « Ma production de choux peut dépasser les 200 sacs, mais il n’est pas question de procéder à la récolte, pour la simple raison que le prix du sac de choux tourne autour de1500 Fcfs sur le marché. Vous imaginez certainement les pertes énormes et c’est pourquoi, la situation est compliquée. C’est d’ailleurs des clichés de ce genre, qui poussent les gens à abandonner les champs, pour aller à l’aventure. Tout le monde est aujourd’hui motivé, pour verser dans l’agriculture, mais il faut que l’Etat revoie sa position, en s’investissant dans l’accompagnement, notamment la commercialisation et la conservation, qui sont des piliers fondamentaux pour assurer le développement du secteur.
L’Etat doit donc agir et arrêter de livrer les producteurs aux intermédiaires dans les marchés. Aujourd’hui, le sac de choux de plus de 60 kg est bazarde à 1500 francs, la caisse de tomates entre 1500 et 2500 Fcfa. La production est excellente, mais la saison est sur une dynamique d’échec, à cause de la commercialisation qui n’a pas répondu aux attentes. En tout cas, je mise actuellement sur le dernier espoir, en l’occurrence la production de pommes de terre. Ce sont des circonstances analogues, qui m’avaient poussé en 2019, à aller à l’aventure, pour tenter de rallier l’Espagne et espérer travailler dans les champs. J’ai emprunté une pirogue et nous sommes bien arrivés à destination, et installés dans un camp, après avoir été récupérés par la marine espagnole. Il y avait un brin d’espoir, avec le début de cours d’espagnol dans le camp, mais malheureusement nous avons ensuite été rapatriés. Dès mon arrivée au village j’ai repris mes activités agricoles dans le même champ et bizarrement, les mêmes circonstances se reproduisent encore » a-t-il expliqué. Selon lui, si l’État avait organisé le secteur et bien encadré les producteurs, jamais l’idée d’aller à cette aventure ne lui effleurerait la tête. Au regard de tout cela, il reste évident que le développement des chaînes de valeur agricoles, enclenché par le Parc Eolien de Taïba Ndiaye peut bien être une réponse appropriée, s’il est démultiplié à travers le pays.
Mbaye SAMB (l’AS)








