Le PDS à Thiès, de la gloire à la décadence, sous l’œil impuissant de Me Abdoulaye Wade

Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) a eu ses années de gloire à thiès, avant de sombrer, sous le regard impuissant du Pape du Sopi, Me Abdoulaye Wade. toutes les tentatives politiques pour assurer la survie de la formation libérale dans la capitale du rail ont été vaines. retour sur la trajectoire du Pds, de la gloire à la décadence .

La ville de Thiès a joué un rôle de premier plan dans la survenue de la première alternance politique au Sénégal en 2000. En effet, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) y était fortement installé. Et tous les observateurs politiques s’accordent à dire que les évènements de 1988 à la Place de France devenue aujourd’hui Promenade
des Thiessois, ont été des signes annonciateurs de l’arrivée de Me Abdoulaye Wade au pouvoir.

Créée en 1974, la formation libérale s’est véritablement implantée à Thiès en 1975. Au lendemain du congrès de Kaolack de 1976, le parti de Me Wade a connu une ascension fulgurante avec 5 responsables de Thiès ayant intégré le bureau politique. D’ailleurs, souligne Pape Moussé Diop, les premiers secteurs de Thiès ont été montés avant le congrès de 1976 et les deux premiers sont ceux d’Alioune Sow à Diakhao Thialy et Demba Khary Dieng à Médina Fall. De l’avis de Ndiakhate Ciss un des pionniers du Pds à Thiès, c’est grâce aux Serigne Diop et autres Khalifa Dièye, etc., qui étaient étudiants à l’Université et venaient chaque week-end s’investir à Thiès, que la capitale du Rail s’est très tôt illustrée dans la marche du parti. Au ours des préparatifs du congrès de 1976, indique-t-il, Boubacar Sall a intégré les rangs du parti, car en tant qu’agent de l’ONCAD, il se faisait jusque-là discret pour éviter les représailles du régime socialiste. Si Boubacar Sall qui était d’un courage sans commune mesure était encore en vie, souligne Ndiakhate Ciss, Me Abdoulaye Wade ne ferait jamais certaines erreurs. D’autant qu’il était presque le seul à lui dire la vérité chaque fois de besoin. «Le PDS et Me Abdoulaye Wade ne méritent pas le sort qui leur est actuellement réservé», affirme Ndiakhaté Ciss qui reste convaincu que Me Abdoulaye Wade pouvait être le deuxième Mandéla de l’Afrique. C’est pourquoi, il invite le pape du Sopi à revoirsa position et savoir que c’est son fils, Karim Wade, qui lui a fait perdre le pouvoir. «Il a voulu l’imposer, les gens ont refusé. J’approuve
la réflexion d’un responsable qui m’a dit qu’il n’y a pas d’homme de carrure dans le Pds pour le diriger. Si Me Wade
était intelligent, il allait appeler les gens à la concertation et c’est certain que Karim Wade pourrait hériter du parti dans ces conditions», dit-il.

En tout cas à Thiès, force est maintenant de constater que la machine libérale s’est totalement grippée et la situation s’est accentuée avec le départ de Mamadou Lamine Massaly. Mais le déclin libéral a véritablement commencé à Thiès en 2004. Idrissa Seck a tiré un grand profit politique de la décision d’annulation de la fête de l’indépendance de 2004 prévue à Thiès, suivie de sa défenestration des cercles du pouvoir et de son incarcération. Son exclusion du parti est venue faire le reste car tous les secteurs, les responsables et la quasi-totalité de la section communale de Thiès ont massivement claqué les portes du PDS, pour rejoindre le Rewmi, devenu alors une véritable machine électorale, qui a régulièrement donné le tournis au Pape du Sopi. C’est dire que c’est Idrissa Seck et son parti qui ont anéanti le PDS à Thiès. Comme alternative, Me Abdoulaye Wade a eu recours à différents responsables parachutés à partir du sommet, mais leur action
politique n’a jamais donné les fruits escomptés.

MAGUEYE SARR MEMBRE DU BUREAU POLITIQUE DU PDS

«Ce qui s’est passé Le 15 Août 1999 à Fandène»

L’évènement qui s’est déroulé dans l’ex communauté rurale de Fandène le 15 août 1999 est l’un des signes annonciateurs de l’accession de Me Abdoulaye Wade au pouvoir. Un des acteurs principaux, en l’occurrence Maguèye Sarr membre du comité directeur du PDS, seul adjoint au maire PDS à Thiès, , est revenu sur cette affaire.
Il raconte que ce jour a coïncidé avec la cérémonie religieuse dédiée à la mémoire du mari d’Adja Garmy Fall et tous les responsables du parti étaient présents. «C’est ainsi que des jeunes sont venus de Fandène nous informer qu’un policier était sur place en train de confectionner des cartes d’identité nationale. L’ancien député Abdoulaye Dramé et moi, nous nous sommes aussitôt rendus sur place pour y voir plus clair. Effectivement, nous avons trouvé des militants socialistes en file indienne et un policier en train d’accomplir les modalités d’acquisition de cartes d’identité nationale. Nous l’avons attaqué avant de nous emparer de tout son arsenal. Et jusqu’à ce jour, il n’a pas retrouvé sa carte professionnelle et l’affaire n’a jamais connu de suite judiciaire. C’était à l’époque du Front pour la Régularité et la Transparence des Elections (FRTE) dont les leaders se réunissaient régulièrement chez Me Abdoulaye Wade. D’ailleurs, Nguirane Ndiaye nous a conduits en héros devant les leaders, qui ont tous salué notre acte de bravoure». A l’époque, se souvient-il, le Pds était une véritable machine politique conduite par des responsables et militants armés de foi et de conviction.
Mais l’exercice du pouvoir n’a pas été de tout repos. «Le parti a même oublié ses dignes fils. J’ai tant aimé, adulé le parti à qui j’ai tout donné, ma jeunesse, mes compétences politiques, mon argent, mais en retour, j’ai tout perdu. J’ai perdu l’occasion de trouver un emploi dans ma vie ou de poursuivre mes études en tant qu’élève doué. Mais malgré tout cela, je suis resté dans le PDS et j’y suis toujours car je suis un wadiste pur et dur. J’ai été plusieurs fois investi comme candidat député, mais sur la liste des suppléants en 98, en 2002, en 2007 et en 2012 et d’ailleurs certains frères de parti m’appellent l’éternel suppléant», déclare Maguèye Sarr. N’empêche, il se dit heureux d’appartenir à un parti démocratique, qui a façonné le jeu politique sénégalais, avec son leader Me Abdoulaye Wade. «Mais malheureusement, le parti a acquis le pouvoir en 2000, avant de retourner dans l’opposition, malgré un bilan plus que positif. Aujourd’hui, c’est écœurant de constater la situation dans laquelle se trouve ce grand parti. Cette confusion qui sape les fondamentaux du PDS découle d’un conflit entre l’ancien et le nouveau responsable. L’ancien ne veut en aucune façon perdre sa position dans la hiérarchie alors que le nouveau veut s’affirmer. Ce télescopage est préjudiciable au parti. Tant que tout le monde ne se donne pas la main, pour travailler ensemble, les conditions d’un retour au pouvoir ne seront jamais réalisées», tranche-t-il. Pour lui, tous les militants libéraux doivent savoir que le pouvoir ne cherche que la dislocation de leur instrument politique. «Donc, il est important qu’ils changent de comportement pour faire face. C’est vrai que la responsabilité de Me Abdoulaye Wade est engagée dans cette situation, mais il faut aussi reconnaître que le parti le lui concède car les statuts du parti lui donnent le pouvoir de nomination à travers les articles 21 et 24. Donc il est dans ses droits, mais l’essentiel est qu’il le fasse en toute démocratie, car tous les responsables sont d’égale dignité. Me Abdoulaye Wade doit avoir le comportement de père de famille, qu’il a toujours été et rassembler tous les frustrés pour discuter avec eux et éviter de leur tourner le dos», martèle l’Adjoint au maire de Thiès-Est.

Sidy Ndiéguène coordonnateur du Pds dans la commune de Thiès-Nord embouche la même trompette. Selon lui, il convient de régler les problèmes dans la concertation, au lieu de les mettre dans la rue. «Où étaient ceux qui dénigrent aujourd’hui
Karim Wade lorsqu’il a été désigné candidat du parti à l’élection présidentielle ou lorsqu’il a été nommé chargé des infrastructures au secrétariat national?», martèle-t-il. Pour lui, Me Wade est dans ses droits que le parti lui a conférés en matière de nomination et la vérité est que Karim Wade est bien indiqué pour prendre les rênes du PDS.

PAPE MOUSSE DIOP UN DES PIONNIERS DU PDS A THIES

«Ce qui s’est passé le 25 février 1988 sur la Place de France»

Le 25 février 1988, le Pds devait organiser son meeting national à la Place de France , actuelle Promenade des Thiessois, sous la présidence de Me Abdoulaye Wade. Il se trouve que le Parti Socialiste(PS) devait tenir le sien le lendemain 26 février au même endroit. Le Gouverneur d’alors avait décidé de délocaliser le meeting du PDS au stade Lat-Dior. Ce qui n’a pas été du goût des libéraux, qui lui ont opposé un niet catégorique.

La tension qui couvait dans la ville s’est vite transformée en violente confrontation. Pape Moussé Diop, un des acteurs de ces évènements, par ailleurs secrétaire élu au Conseil Départemental de Thiès, se souvient des incidents. Il raconte que le PDS avait déjà accompli toutes les formalités administratives requises pour tenir son meeting. «Me Wade devait passer la nuit du 24 au 25 février à Thiès, avant d’aller le matin à Fatick, puis Cayar et revenir l’après-midi présider le meeting.
Le PS avait retenu la date du 26 février sous la présidence du candidat Abdou Diouf. Le Gouverneur d’alors ne voulait pas que le PDS tienne son meeting le 25 février, à défaut de le délocaliser vers le stade Lat-Dior. Boubacar Sall et les leaders de la coalition sopi ont dit niet. Le matin du 25 février, Me Abdoulaye Wade a été accompagné par un long cortège, à partir du domicile de Boubacar Sall où il avait passé la nuit et juste au niveau de la Place, il a donné rendez-vous aux militants sur les lieux dans l’après-midi. Cet appel les a galvanisés davantage, mais les forces de l’ordre ont aussitôt quadrillé la Place de France dès le début de l’après-midi, pour empêcher les militants d’y accéder. Il s’en est suivi des échauffourées avec des jets de pierres et de gaz lacrymogènes. La ville s’est embrasée et 145 jeunes ont été arrêtés et déférés au parquet. Mais le 26 février, les populations se sont encore déchaînées, avec l’intention d’empêcher le meeting du candidat socialiste. C’est ainsi que Abdou Diouf, visiblement mal à l’aise, avait lâché son fameux « jeunesse malsaine ». Les affrontements avec les forces de l’ordre se sont poursuivies jusque tard dans la nuit.
Ces évènements de Thiès ont d’ailleurs leur répercussion au niveau national et c’est ainsi que l’état d’urgence avait été décrété après la proclamation des résultats des élections», dit Pape Moussé Diop.

COMMENT IDRISSA A HERITE DES RENES DU PDS A THIES

La première apparition sur la scène politique d’Idrissa Seck date des élections de 1988. A l’époque, il était le Directeur de campagne du candidat Me Abdoulaye Wade. Son action politique d’alors s’était limitée au niveau national. Même s’il militait à Thiès, les structures libérales de Thiès étaient entre les mains de Boubacar Sall «le Lion du Cayor». D’ailleurs soulignent les témoins de l’épopée du PDS à Thiès, il y avait une rivalité entre les deux hommes qui était entretenue par les militants. Mais alors qu’il était ministre du Commerce dans le gouvernement de majorité présidentielle, Idrissa Seck s’est déplacé un jour, accompagné de son épouse, pour rendre visite à Boubacar Sall alors terrassé par la maladie. Il s’en est suivi de poignants témoignages de part et d’autre et Boubacar Sall avait pris l’engagement, dès qu’il retrouverait la santé, de prendre les dispositions nécessaires afin de porter Idrissa Seck à la tête du PDS à Thiès en tant que Secrétaire Général et d’occuper le poste de Président. Après les élections de 1988, Idrissa Seck a disparu de la circulation après avoir théorisé le paradigme «qui veut travailler avec Me Wade doit avoir des connaissances solides mais aussi de l’argent» Il n’est revenu qu’en 1993 pour devenir le conseiller spécial du Secrétaire Général National du PDS. Le décès de Boubacar Sall le 25 juillet 1995 à l’hôpital le Dantec a laissé un vide dans le parti à Thiès. Ainsi, le chemin est balisé pour Idrissa Seck d’autant plus qu’il était ministre de la République. En plus, il soutenait beaucoup le parti et les militants. Une délégation de responsables du Pds est allée voir Me Abdoulaye Wade, pour lui exprimer le souhait de voir Idrissa Seck à la tête du parti à Thiès. Ndiakhate Ciss renseigne cependant que certains responsables étaient réticents.
Puisque Me Wade n’y voyait aucun inconvénient, le compte rendu a été fait à Idrissa Seck qui est ainsi promu secrétaire général de la section communale à la faveur des renouvellements de 1996. Il est installé à ce poste par Me Abdoulaye Wade lui-même en Août 1996. C’est dans ce contexte que le Pds a accédé au pouvoir

Mbaye SAMB (l’AS)