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L’hyper-judiciarisation du contentieux médical s’explique par l’immobilisme du dispositif disciplinaire de l’Ordre’’(Dr Cheikh A. Badji)

DR CHEICK ATAB BADJI, AUTEUR DE L’OUVRAGE SUR LA PROCEDURE JUDICIAIRE APPLICABLE AUX MEDECINS

‘’L’hyper-judiciarisation du contentieux médical s’explique par l’immobilisme du dispositif disciplinaire de l’Ordre’’

Dr Cheick Atab Badji présente, dans cet entretien accordé à Vox Populi, son nouvel ouvrage intitulé ‘’Manuel de procédure disciplinaire, l’Ordre des médecins du Sénégal en juridiction disciplinaire’’. Dr Badji explique aussi, entre autres questions sur le secteur sanitaire, ‘’l’hyper-judiciarisation du contentieux médical’’.

Vous venez de sortir un ouvrage sur la procédure disciplinaire applicable aux médecins. Pouvez-vous nous présenter cette publication ?

Il s’agit en fait d’un ouvrage opérationnel qui porte le titre de Manuel de procédure disciplinaire, l’Ordre des médecins du Sénégal en juridiction disciplinaire. Il se veut un guide pratique qui détaille les étapes de la procédure disciplinaire et les opérations administratives y afférentes. Ainsi, ce travail est divisé en quatre parties qui sont en fait les grandes étapes de la procédure. Il s’agit d’abord de la saisine de la juridiction disciplinaire, autrement dit, comment saisir l’Ordre des médecins, qui doit saisir et quel organe de l’Ordre saisir.

La seconde partie traite de l’instruction du dossier en rappelant les dispositions législatives et règlementaires et pour chaque sous-étape des documents administratifs sous forme de Template, de modèles plus ou moins standards sont proposés. La troisième partie traite de la phase juridictionnelle proprement dite, notamment l’instance jusqu’au prononcé de la décision. Et enfin, la phase de recours, en cas de non satisfaction, qui peut se faire soit auprès de l’Ordre ou auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême.

A la fin de chaque partie, nous essayons de préciser les vices à éviter pour ne pas compromettre la procédure.

Pourquoi avez-vous senti la nécessité de faire un tel ouvrage ?

Il faut dire que c’est parti d’un constat d’immobilisme. En fait, l’Ordre des médecins est régi par une loi de 1966, notamment la loi 66-69 du 04 juillet 1966 relative à l’exercice de la médecine et à l’Ordre des médecins. Elle traite la matière disciplinaire, mais en son article 44 elle renvoie à «un décret qui en précisera la procédure suivie devant le Conseil national siégeant en qualité de juridiction disciplinaire». Malheureusement, ce décret ne surviendra qu’en 2018, un peu plus d’un demi-siècle, soit plus exactement 52 ans après. Autrement dit, l’Ordre des médecins dont l’une des missions fondamentales était la fonction juridictionnelle en matière disciplinaire était juridiquement dans l’impossibilité de traduire, en cas de manquements professionnels supposés, ses membres en formation juridictionnelle pour défaut de base textuelle entourant la procédure. Et encore, ce décret 2018-98 du 16 janvier 2018 encadre de façon très stricte la procédure, exposant ainsi à des risques de vices de forme ou de procédure dont certains, substantiels, peuvent faire annuler les décisions en cas de recours.

Ainsi, ce guide se veut un outil simple, mais pratique, pour aider à une meilleure prise de décision. C’est l’occasion de remercier tous les conseillers d’hier et d’aujourd’hui, mais aussi avec une mention spéciale, le préfacier, un homme d’une grande générosité intellectuelle, le magistrat Yakham Lèye, ancien conseiller juridique de l’Ordre et ancien Président des Formations disciplinaires dont l’apport a été inestimable pour la qualité de cette production. Il s’agit d’une première qui n’aura qu’un seul mérite, un seul, celui d’exister ; et avec une certitude : celle d’être imparfaite.

Comment expliquez-vous l’hyper-judiciarisation du contentieux médical ?

Cette hyper-judiciarisation du contentieux médical s’explique en toute évidence par cet immobilisme du dispositif disciplinaire de l’Ordre des médecins. La nature ayant horreur du vide, les plaignants se tournent vers la machine judiciaire. Et pourtant, beaucoup d’affaires auraient pu trouver une issue au sein des formations disciplinaires. Cela contribuerait sans nul doute à soulager nos juridictions déjà submergées, d’une part, mais aussi d’autre part, de trouver des solutions plus appropriées à des questions techniques.

Il est bon de préciser que la loi sus évoquée fait de l’Ordre des médecins la plus haute autorité en matière médicale. Il dispose ainsi de pouvoir de sanction allant de l’avertissement, au blâme, jusqu’à l’interdiction provisoire, voire même définitive d’exercer la profession.

Quels sont aujourd’hui les problèmes auxquels le secteur sanitaire est le plus confronté ?

Ces problèmes sont de différents ordres, conséquences d’un besoin ou d’une forte demande de soins face à des offres limitées ; limites du point de vue ressources humaines et financières. Ce qui pose la problématique de politiques publiques bien centrées autour de cette équation.

L’accueil dans les hôpitaux est souvent décrié. Que prônez-vous pour juguler cet état de fait ?

L’accueil dans les structures de santé est certes souvent décrié, mais de mon point de vue, ce problème de l’accueil est général, pratiquement dans tous les secteurs. Je pense qu’il faut un travail à la base dès l’école primaire, déconstruire la notion de service, avec l’agent surtout en position de serviteur dont la satisfaction doit être tirée de celle de l’usager du service public. L’accueil doit être une matière enseignée au même titre de l’éducation civique ou les mathématiques dans nos curricula scolaires.
(Vox Populi)

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