Thiès/Korité à la mosquée Moussanté, pour la première fois depuis 1906, l’autorité administrative a brillé par son absence

La grande mosquée de Moussanté, nichée presque au cœur du marché du même nom, est une mosquée qui a été tracée par Seydi El Hadji Malick Sy et inauguré par lui-même en 1906. A cette occasion, les témoins de l’histoire racontent que Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké avait dépêché son jeune frère Serigne Massamba Mbacké pour le représenter et il avait remis, en guise de participation, 1500F « ngourde » et une jument. Depuis cette date, ladite mosquée avait été inscrite dans l’agenda des colons, à l’occasion des prières de korité et de tabaski. Elle est en effet la première mosquée de Thiès la seconde, celle de Keur Mame El Hadji, n’ayant été construite qu’en 1950. Selon nos sources, les colons ont toujours dépêché une délégation représentant l’administration coloniale à ces prières. Et après l’indépendance, la pratique a été léguée aux autorités sénégalaises. C’est ainsi que depuis 1960, c’est le Préfet du département de Thiès qui venait représenter l’Etat à la prière alors que le Gouverneur de la Région en fait de même à Tivaouane. Mais cette année, avec la prière de korité, les autorités administratives ont brillé par leur absence, ce qui a intrigué plus d’un.
Et aujourd’hui, les supputations vont bon train. Pour expliquer une telle situation, certains membres de l’administration de la mosquée ont évoquée l’incident survenu l’année dernière lors de la prière de tabaski. En effet, l’Imam Babacar Tafsir Ndiour s’est toujours illustré par des sermons engagés, qui touchent directement des faits de société et c’est ainsi qu’il n’hésite jamais à dénoncer les tares, tout en se référant aux enseignements du coran. Et l’année dernière, il avait évoqué la problématique de l’organisation des élections législatives, en touchant du doigt tous les manquements. Il déclarait lors de ce fameux sermon, « un tohu-bohu a entouré les dernières élections législatives, avant, pendant et après et la mauvaise organisation en est la cause profonde. Beaucoup de Sénégalais ont passé tout leur temps à rechercher des cartes d’électeur qu’ils n’ont toujours pas trouvées. Et la seule réponse donnée à leur interrogation est que les cartes ne sont pas encore sorties et c’est ainsi qu’ils ont été privés de leur droit de vote, voire de leur citoyenneté. Soit les organisateurs l’ont fait express, soit ils ont fait montre d’une incompétence dans le cas d’espèce. Le processus électoral doit être déroulé dans la droiture, une élection est un moyen et non une fin ».
Ce qui n’avait pas été du goût du symbole de l’Etat qu’est le Préfet du département de Thiès Alioune Badara SAMB, qui avait tout simplement boudé le reste du sermon, pour marquer sa désapprobation. Le Préfet Alioune Badara SAMB n’avait pas ainsi digéré que l’Imam touche ce point sensible de la gestion de l’Etat, surtout en présence de son représentant, dans un moment aussi solennel. Selon une source proche de la mosquée, les signes avant coureurs de cette absence ont été perçus la veille de la korité avec la remise de la liste des mosquées de Thiès, qui devaient accueillir les représentants de l’Etat. Selon cette même source, ladite liste avait envoyée à l’Imam de Moussanté, mais sa mosquée a été omise et quelques instants après, le messager est venu récupérer la liste, arguant qu’il s’était trompé et il n’est jamais revenu. Il s’y ajoute que la mosquée de Moussanté, qui constitue le premier foyer religieux de Thiès a également été « oubliée» dans la traditionnelle visite de l’autorité administrative la veille de chaque korité et tabaski. Interpellé au téléphone, l’Imam Babacar Ndiour s’est refusé tout commentaire. Il s’est juste contenté de confirmer l’absence de l’autorité administrative non sans préciser qu’il ignore pour le moment les raisons de cette absence.
Mbaye SAMB (L’AS)