Stratégies de prévention et de résolution des crises dans le système éducatif par Dénis Faye

Les stratégies de prévention et de résolution des crises dans le système éducatif sénégalais : le cas de l’Inspection de l’Education et de la Formation de Thiès- Ville dans l’Académie de Thiès.
Tel est l’intitulé de notre sujet de réflexion, en vue de proposer des mécanismes de prévention et des pistes de solution à ces crises récurrentes, qui secouent notre système éducatif. Le thème est d’une brûlante actualité au moment où nous écrivions ces lignes. Aujourd’hui, comme hier, ce thème est toujours d’actualité, si l’on se réfère à la situation qui prévaut dans l’espace scolaire au plan national. En effet, les germes d’une perturbation scolaire sont en l’air, si l’on considère les rappels pressants exprimés par les syndicats, lesquels portent sur le respect et la matérialisation des accords et engagements conclus entre les pouvoirs publics et les syndicats d’enseignants. C’est dire donc qu’il y a une menace sérieuse qui pèse sur le climat scolaire pour cette année 2017- 2018. Il convient de réagir en urgence, pour désamorcer cette bombe à retardement. C’est là tout l’intérêt de notre thème de recherche : Les stratégies de prévention et de résolution des crises…
I- Les raisons qui expliquent le choix de ce thème de recherche.
Nous avons choisi ce thème de recherche pour les raisons suivantes :
 La récurrence des crises qui secouent le système éducatif ; après la grève de 1988 qui a eu comme conséquence l’année blanche, et celle de 1993 sanctionnée par une année invalide, notre système éducatif est, depuis lors, marqué par des perturbations cycliques que l’on pourrait assimiler à des « années grises », avec des programmes scolaires inachevés durant plus d’une décennie. En effet, dans un contexte social caractérisé par des crises multiformes au cours des années 2014, 2015 et 2016, les grèves scolaires ont parfois plombé le fonctionnement des établissements scolaires. Dès lors, nous avons estimé qu’il était urgent de réfléchir sur des stratégies de prévention et de gestion des crises scolaires, afin de réduire les risques de perturbation de l’espace scolaire.
 L’angoisse des élèves en classe d’examen, surtout ceux de l’école publique, en période de grève ;
 L’inquiétude des parents d’élèves ;
 Le spectre d’une année blanche ou invalide ;
 La menace de la radiation des syndicalistes grévistes ;
 Le souci de contribuer à installer un climat social stable et apaisé dans l’espace scolaire, pour un déroulement normal et régulier des enseignements/apprentissages ;
 Le souci de contribuer à résoudre un paradoxe qui dure depuis plus d’une quinzaine d’années : l’importance de l’enveloppe financière consacrée au secteur de l’Education (40% du budget national), et la récurrence des crises scolaires !!
Paradoxal non !!!!
Telles sont donc les raisons qui expliquent le choix de ce thème de recherche.
II- Les mécanismes de prévention des crises scolaires
Par ailleurs, après avoir fait l’analyse de la typologie des conflits qui secouent l’espace scolaire, nous avons estimé que la prévention est la meilleure arme qui vaille pour éviter, réduire les risques, et désamorcer ces crises. Aussi, avons-nous considéré qu’il faut absolument jouer la carte de la prévention, une prévention à cinq niveaux :
Premier niveau : Agir sur l’élève. Comment ? Par la promotion d’une Education à la Paix et à la Citoyenneté. L’objectif visé est de bâtir un nouveau type d’homme qui va grandir dans le respect des valeurs qui caractérisent une société paisible et harmonieuse. Pour ce faire, il s’agira d’inculquer ou de rappeler à l’élève les fortes valeurs socioculturelles qui lui permettent d’être en harmonie avec sa société et son environnement immédiat.
Ces valeurs ont comme nom entre autres : le respect de l’autorité parentale, religieuse, hiérarchique et étatique ; Le respect des biens publics, des institutions étatiques, des symboles de l’Etat (Etablissements publics, équipements scolaires, Drapeau National, Hymne National, etc.).
Pour prévenir les risques de conflits chez les élèves, on peut également envisager la mise en place de structures de régulation des comportements et attitudes des apprenants. Ainsi par exemple, le retour au système d’internat dans les collèges d’enseignement public, qui constitue un intrant de qualité, pourrait largement contribuer à pacifier l’espace scolaire. De même, le retour à l’allocation de bourses scolaires dans les établissements publics, avec obligation de résultats pour les allocataires pourrait être également une émulation pour les élèves et en même temps un mécanisme de stabilisation de l’espace scolaire.
Niveau 2/Les enseignants. Parmi les mesures préventives, il faut citer au premier plan : Le relèvement de la durée de la formation des élèves-maîtres à quatre ans, comme dans les anciennes Ecoles Normales Régionales ; La formation des enseignants aux textes en vigueur et qui régissent le système éducatif sénégalais. Cela est une exigence de qualité car, il faut faire comprendre aux intéressés ce que disent les textes pour éviter les conflits ; La formation des enseignants aux modules fondamentaux suivants : les droits humains, les droits de l’Enfant, la Psychologie et la protection de l’Enfant.
Il faut dire que la méconnaissance de certains principes généraux est souvent source de dérives constatées, et de conflits dans les relations entre enseignants et élèves. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est nécessaire, voire impérieux de renforcer les capacités des enseignants dans ces modules précédemment cités, pour écarter les risques de dérapage dans leurs relations avec les apprenants.
Niveau 3/ Les Associations de Parents d’Elèves (APE)
A l’échelle nationale comme régionale, les Associations de Parents d’Elèves sont des partenaires privilégiés de l’administration scolaire. A ce titre, elles ont un rôle important à jouer dans la prévention des crises scolaires. Les APE jouent un rôle d’alerte et de veille dans la prévention des crises scolaires.
Niveau 4 /Les collectivités locales. L’Education étant une compétence transférée, les collectivités locales doivent être impliquées dans tout ce qui peut contribuer au bon fonctionnement des écoles. C’est la raison pour laquelle nous pensons que ces structures décentralisées ont leur partition à jouer dans la prévention et la gestion des crises scolaires. Pour un climat scolaire stable et paisible, nous pensons qu’il faut promouvoir le partenariat regroupant les Collectivités Locales, les autorités scolaires déconcentrées, le secteur privé, la société civile et les partenaires techniques et financiers.
Niveau 5 /L’Etat
En guise de prévention des crises scolaires, les pouvoirs publics doivent instaurer un dialogue social dès l’apparition de signes précurseurs d’une grève, bien avant le dépôt de préavis par les syndicats d’enseignants. A ce niveau précis, la prise en charge immédiate des préoccupations des syndicats d’enseignants est une des pistes de solutions permettant de désamorcer la bombe, et par conséquent, d’éviter une perturbation du climat scolaire. Dans cette perspective, il est possible de mettre à contribution les partenaires au développement, les Partenaires Techniques et Financiers et les ONG travaillant dans le domaine de l’Education et la protection de l’enfant.
L’Etat doit également accompagner les autorités du niveau déconcentré dans le processus de négociation, et dans le respect et l’application des accords conclus entre les différentes parties.
De la même façon, nous estimons qu’il faut trouver des solutions durables à crises, lorsqu’elles apparaissent au grand jour. Selon l’adage, « c’est dans les relations entre les hommes que naissent les conflits ; c’est également dans ces relations qu’il faut résoudre ces conflits ». Dès lors, il apparaît clair que c’est à travers une bonne gestion des ressources humaines qu’il faut prévenir, et le cas échéant, résoudre les conflits. Et c’est dans cette perspective justement, que nous avons fait des recommandations pour un climat scolaire stable et apaisé. Nous aborderons cette partie dans un prochain article…
En tant qu’acteur du système, et ayant occupé une position aussi stratégique que la responsabilité de la gestion des Ressources Humaines de l’Académie Régionale de Thiès, nous avons voulu, à travers ce document de recherche, apporter notre modeste contribution à la stabilité du climat social, et à la gestion des crises scolaires. Nous avons bon espoir que les membres du Comité du Dialogue Social Académique, et les différents acteurs de la communauté éducative feront bon usage de ce document.
Denis FAYE, Formateur au CRFPE_ Thiès